2020-02-12 00:55:31.146658 by Annabelle Blangier

Auteur:Annabelle Blangier [Blangier, Annabelle]
Format: epub
Éditeur: éditions du Petit Caveau
Publié: 2018-07-03T16:00:00+00:00

***

Samuel avait les bras croisés sur la table et la tête penchée en avant, de sorte qu’en entrant dans la pièce, Deville ne put voir que son crâne rasé. Il ne releva pas les yeux en l’entendant arriver, mais le capitaine remarqua que, sous la table, sa jambe battait nerveusement la mesure. Samuel n’était pas aussi impassible que ses compagnons.

D’après son dossier, il avait eu pas mal de problèmes avec la police, il s’était probablement déjà trouvé dans ce genre de situation. Il devait aussi avoir conscience du fait que, contrairement aux autres, lui et Alex couraient un vrai risque en étant ici : ils étaient recherchés et mêlés à une affaire de meurtre. Charles avait beau penser qu’il leur suffirait de garder la bouche close pour s’en sortir, Samuel, lui, savait qu’il en irait autrement en ce qui le concernait.

Tout en s’asseyant face au suspect, Deville décida d’attaquer cette nouvelle conversation sous un autre angle.

— Est-ce que tout va bien, Samuel ? demanda-t-il, l’homme ne daignant toujours pas le regarder. Si vous vous sentez mal, je peux vous trouver un verre d’eau, ou autre chose…

Samuel releva lentement la tête et le dévisagea. Oui, aucun doute, il avait l’habitude de ce genre de confrontation avec la police, cela se voyait dans la défiance de son regard, dans sa dureté, aussi. Il connaissait le jeu et ses règles : on tentait de le faire craquer et lui se devait de supporter la pression. Pas pour la secte, pas pour Charles non plus, seulement pour lui-même, pour sa fierté. Pour Samuel, les flics étaient les ennemis, point final.

— Je sais que vous ne voulez pas me parler, dit Deville d’un ton léger, vous ne voulez pas m’entendre, et vous aimeriez que je vous foute la paix. Pourtant, à cet instant, je ne suis pas celui que vous devriez craindre le plus.

Le visage de Samuel était sans expression. Sous la table, sa jambe s’agitait toujours dans un bruissement régulier.

— Il y a trois ans, reprit Deville, votre père a été assassiné, chez lui. On l’a retrouvé assis dans son salon, sur un fauteuil, devant la télévision encore allumée. Le crâne défoncé. En revanche, on n’a plus revu son fils, Alex, qui s’était apparemment volatilisé. Mais vous savez tout ça, Samuel, n’est-ce pas ?

Le suspect le fixait de son regard froid et impitoyable. Deville y perçut une certaine ressemblance avec Alex : les yeux de Samuel avaient beau être bleus plutôt que verts, on y décelait la même lueur malsaine, cette même violence rentrée, qui ne demandait qu’à sortir au grand jour. Le capitaine prit soudain conscience des bras musclés de Samuel, croisés sur la table. Il lui aurait suffi de les déplier pour attraper Deville par le cou et l’étrangler. Cela ne lui nécessiterait probablement pas beaucoup d’effort.

— Personne n’a dû vous le dire officiellement, alors j’ai le regret de vous annoncer que vous êtes suspecté du meurtre de votre père, Samuel. Vos empreintes étaient partout sur la scène du crime, et un certain nombre de voisins vous ont vu entrer dans la maison le jour du meurtre.

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